samedi 30 juillet 2011

That jet lag really done a number on you!

Badaboum. Stupeur et tremblements. Enfer et damnation. La catastrophe que l’on redoutait tous s’est finalement produite : Pixar a commis un mauvais film. Mais genre, vraiment mauvais.

La déception est très dure à avaler. Pourtant, je ne suis pas de ceux qui hurlent systématiquement au chef d’oeuvre à chaque sortie d’un nouveau Pixar. Et puis, le premier Cars était certes sympatique, mais tout de même un peu faiblard. Mais malgré tout, on nous avait habitué à une constance remarquable dans le savoir faire, l’intelligence du propos, le talent à raconter des histoires toujours plus surprenantes. Dans Cars 2, tout fout le camps, avec pertes et fracas.

On ne peut certainement pas accuser le film de mauvaises intentions. Les gars de Pixar ne sont pas devenus des branques du jour au lendemain (d’un point de vue technique et esthétique, le film est - évidemment - une démonstration), et John Lasseter n’a pas perdu sa candeur et sa sincérité. Pourtant, strictement rien ne fonctionne, la faute à une histoire furieusement laborieuse, constamment victime du syndrome du “et maintenant ?”. Le scénario avance par à-coups, usant systématiquement des mêmes ressorts exaspérants (deus ex machina à gogo, hasards improbables, quiproquos débiles), s’éparpille dans deux intrigues parallèles presque parfaitement décorellées et inutilement alambiquées. Étudiants en cinéma, analysez attentivement ce film : c’est un superbe florilège de tout ce qu’il ne faut absolument pas faire pour rendre une histoire crédible et intéressante.

Et ça rame péniblement, on passe d’une scène à l’autre sans jamais trop savoir pourquoi ni comment, on multiplie les dialogues poussifs et les personnages tous plus inintéressants les uns que les autres. L’humour étonnamment bas du front parvient quelques fois (pas souvent) a nous arracher un sourire gêné, mais on n’en peut plus d’entendre ces bagnoles radoter constamment la même chose (“Martin est trop con et il comprends rien à ce qu’on lui dit, hihi c’est drôle !”), nous seriner avec une telle insistance la même sempiternelle ode à l’amitié (“Martin est trop con, mais c’est mon ami, et c’est ça le plus important, trolilol !”). On se demande aussi, incrédule, ce qu’il est advenu du message du premier film : apologie de la lenteur, nous invitant à toujours prendre notre temps pour bien profiter des choses de la vie... qui se transforme en une fatigante course effrénée et hystérique autour du monde, au cour de laquelle on ne prend justement jamais le temps de s’attarder ni sur une situation, ni sur un personnage.

Une telle absence de maîtrise est stupéfiante. On croirait assister aux efforts vains un petit garçon plein de bonne volonté, qui s’est juré de faire le film ultime (même que dedans, eh ben y aura une Formule 1 qui va trop vite, et puis y aura des espions secrets, et puis, et puis y aura plein d’explosions et du karaté et un méchant qu’est trop méchant, et puis même y aura Lewis Hamilton, et ça va être trop bien !), mais qui, au bout du compte, doit comprendre qu’il ne sait tout simplement pas faire du cinéma. Qu’est-il donc advenu de la recette Pixar, de la mythique collaboration constante entre quelques uns de esprits créatifs les plus brillants de notre époque, celle-là même qui fait la fierté de John Lasseter ?! Elle semble avoir littéralement volé en éclat au cour de la fabrication de ce film (les pérégrinations de Brad Bird et Andrew Stanton dans le monde du cinéma en prise de vue réelle n’y sont sans doute pas pour rien). Espérons que ce ne soit que temporaire...

jeudi 21 juillet 2011

There are many facets hiding behind just a one...


Nobuo Uematsu - On Meady Meadows
Orchestre de la WDR, dirigé par Arnie Roth
(arrangement : Jonne Valtonen)



C’est presque un soulagement, pour moi. La rectification d’une anomalie. Grand amateur de musique, grand amateur de jeu vidéo, grand amateur de musique de jeu vidéo, je n’avais jamais assisté à un de ces concerts produits annuellement, depuis 2003, par Thomas Böcker en Allemagne. C’est surtout depuis 2009, et un Symphonic Fantasies devenu presque mythique, que l’homme et ses collaborateurs ont inscrit leurs noms au fer blanc dans l’histoire de la musique de jeu. Avec ce concert dépassant largement le cadre du simple hommage à la culture vidéoludique, fruit d’une collaboration internationale (des compositeurs japonais, un producteur et un orchestre allemands, un chef d’orchestre américain, des arrangeurs finlandais...), ils créaient un nouveau genre d’événement, d’une portée et d’une ampleur parfaitement inédites dans le petit monde du jeu vidéo. Le genre d'événement où se retrouvent des gamers mélomanes venus du monde entier, non pas juste pour le plaisir de se réunir, même pas juste pour célébrer leur passion commune, mais pour la faire avancer, tous ensemble, vers de nouveaux horizons. Quelle excitation, pensez-vous donc, à l’idée enfin de voire de mes propres yeux, d’entendre de mes propres oreilles l’exécution de leur nouveau chef d’oeuvre ! Ce qui fut chose faite, samedi 9 juillet 2011, avec Symphonic Odysseys, concert retraçant la longue carrière du légendaire Nobuo Uematsu. Et plutôt deux fois qu’une.

Je suis donc fébrile, au moment où je prends place dans le superbe amphithéâtre de la Philharmonie de Cologne. Sur scène se trouvent l’orchestre et le chœur de la WDR. Comme c’est désormais la tradition, le concert commence avec une courte fanfare d’ouverture composée spécialement pour l’occasion. Cette année, elle est bien évidemment écrite par Nobuo Uematsu lui-même, qui livre une pièce délicieusement guillerette et enjouée. Rien de tout à fait mémorable, mais idéal pour échauffer musiciens et public en vue du reste de la soirée.

Car dès le morceau suivant, inévitable retour sur la saga Final Fantasy, le ton change radicalement. C’est avec une gravité non retenue que l’arrangeur Roger Wanamo choisit d’ouvrir son concerto pour piano : après une introduction rappelant la marche funèbre du Roméo et Juliette de Prokofiev, l’orchestre entame l’ouverture de FF VI (vous me direz, c’est de circonstance) ; et tandis que la clarinette fait résonner de lugubres trilles, le piano s’élève doucement au dessus la masse orchestrale pour entonner, de façon aussi inattendue que frappante, le thème principal de la série. Au piano, justement, c’est bien entendu le jeune prodige Benyamin Nuss (né en 1989, le bougre !) qui se produit. Et à l’écoute de ce concerto, on se rend vite compte que le jeune homme a franchi un cap : loin de l’explosivité certes virtuose mais parfois mal contrôlée dont il faisait montre lors des concerts de 2009 et 2010, il fait désormais preuve d’une maîtrise saisissante, ses sonorités sont bien plus raffinées. Que ce soit dans l’urgence du Battle Scene 1 de FF II, ou le lyrisme absolu de l’Aria de FF VI, il est à son aise. Impossible aussi de ne pas fondre pour son Boundless Ocean, d’une mélancolie et d’une sensibilité à fleur de peau, sans pour autant jamais être larmoyant. Alors bien entendu, quand il est rejoint tour à tour par la flûte, le cor anglais et le violoncelle solo, c’est un véritable torrent d’émotion qui vous submerge. Il faut dire que la formidable ampleur des orchestrations de Wanamo ne rend que d’autant plus frappants ces instants légers et fragiles. Le mouvement final du concerto s’avère plus dynamique et nerveux : c’est sur un galvanisant jonglage entre les thèmes de combat de FF IV, V et VI que s’achève ce premier segment du concert.

La suite est beaucoup plus légère, et même cocasse. Revenant sur le tout début de la carrière de Uematsu, le temps d’un court medley des musiques du jeu King’s Knight (NES, 1984), Jonne Valtonen réalise un arrangement s’autorisant quelques réjouissantes fantaisies, équipant les choristes de kazoos, torturant joyeusement la rythmique des morceaux originaux, et utilisant quelques percussions peu communes. Pas question d’oublier, pour autant, les insipirations John-Williamsienne de ces musiques ! Malgré ces facéties, le ton reste donc épique et grandiose. Un cocktail détonnant, un peu foutraque, mais diablement jouissif. Quelques instants plus tard, le medley Final Fantasy Legend emplira l’auditorium de la même énergie héroïque communicative, de façon certes moins originale, mais toute aussi convaincante.

Entre les deux, cependant, nous aurons eu droit à l’OVNI de la soirée. Instant de répit pour l’orchestre, c’est le chœur seul qui s’attaque à l’exécution de Silent Light, extrait de la bande original de Chrono Trigger. Un habit inattendu pour cette pièce, et voici que les choristes sifflent, chuintent, créant une atmosphère nébuleuse d’une complexité affolante. Avec ces sonorités hallucinantes qui iraient presque jusqu’à évoquer certains travaux de György Ligeti (!!!), Valtonen livre ici une partition aussi déroutante que spectaculaire ; le genre de musique qui vous hante encore longtemps après la fin du concert.

Et c’est alors que le temps s’arrête. La planète Terre s’immobilise, quand résonne le lourd tremolo des contrebasses, appuyé par une note d’orgue d’une terrible gravité. Violons et violoncelles entament la déchirante mélodie de Suteki Da Ne. Puis soudain, une voix s’élève, sublime, poignante. "Walls of the city that once stood proud..." Cette ville, c’est Zanarkand, bien sûr. Étrange exercice auquel se livre ici Roger Wanamo : il arrange le morceau A Fleeting Dream, lui-même arrangement libre signé Masashi Hamauzu du thème principal de FF X. Le résultat est un chef-d’oeuvre absolu. Dans un lent crescendo, le chœur développe des contrepoints d’une beauté inimaginable, et des ostinatos fascinants et hypnotisant enveloppent petit à petit la mélodie, parmi les plus extraordinaire jamais composées par le moustachu, dans un épais voile de mélancolie et de tristesse contenue. Enfin, sur une courte coda emmenée par les bois, la musique s’évanouit, s’éteint, tout en douceur, presque sans faire un bruit. Elle nous laisse, les yeux embués, plongés dans une indescriptible torpeur. Il nous faudra bien le temps d’un entracte pour nous en remettre...

La seconde partie du concert débute de façon plus anonyme, avec une mise à l’honneur de la toute dernière bande son composée par Uematsu, The Last Story. Si l’on se délecte de la vibrante performance de l’orchestre (et particulièrement le majestueux premier violon), qui transcende bien évidemment sans peine la mélodie originellement interprétée par des sons très majoritairement synthétiques, l’arrangement trop timide de Jani Laaksonen peine à vraiment exister au milieu de tous ces monstres enfantés par Wanamo et Valtonen. Un joli moment de douceur malgré tout.

Une nouvelle fois, l’ambiance change du tout au tout avec le morceau suivant, On Meady Meadows, musique d’inspiration tribale extraite de Final Fantasy XIV. De ce matériau, Valtonen construit une pièce merveilleusement évocatrice, qui procure les mêmes sensations que la découverte d’un nouveau monde : la curiosité attisée par ces percussions sourdes intriguantes, ces contrepoints à la fois primitifs et audacieux ; et l’émerveillement inspiré par son grandiose et majestueux refrain.

Arrive maintenant le temps de Blue Dragon, et de son célèbre Waterside. Un moment forcément attendu avec beaucoup de curiosité par quiconque avait écouté le délirant arrangement pour piano solo que Valtonen avait écrit pour Benyamin Nuss. Et effectivement, là encore, il joue avec les origines aquatiques de la mélodie : aux eaux tumultueuses de la version piano, il fait succéder des ondes calmes mais puissantes dessinées, avec une grâce infinie, par le seul pupitre des cordes. Une nouvelle fois, le morceau subit une métamorphose aussi surprenante qu’enthousiasmante.

Pour enfin conclure le programme de ce concert, est proposé une suite de concert Lost Odyssey longue de 20 minutes, second morceau de bravoure annoncé de la soirée, après le concerto "Final Fantasy". Comme à son habitude pour ce genre d’exercice, Valtonen signe une pièce technique et exigeante, rapide et dense. Les mélodies et motifs se mélangent, s’entrecroisent au sein d’une orchestration massive (orgues à l’appui), qui déverse ses richesses à un rythme effréné, comme une pluie torrentielle, qui étourdit et ensorcelle. Éprouvante émotionnellement, et même presque physiquement, cette suite ne se satisfait pas d’une seule écoute pour dévoiler toutes ses merveilles. Mais quelles merveilles, mes amis, bon sang, quelles merveilles !

Bien évidemment, les artistes ne se contenteront pas de nous quitter là-dessus. Pour le rappel, Benyamin Nuss rejoint de nouveau l’orchestre pour un superbe et émouvant clin d’oeil de la part d’un autre génie de la musique de jeu, Masashi Hamauzu, qui arrange spécialement pour l’occasion le superbe thème de fin de Final Fantasy X, avec toute la douceur et la tendresse qui le caractérise. Le compositeur de Final Fantasy XIII et XIII-2 adresse ici un magnifique hommage à son maître, allant jusqu’à faire apparaître à la toute fin du morceau une référence au thème principal de la série (pourtant absent du jeu). Tout un symbole...

Et c’est toujours pas fini ! Les artistes semblent bien décidés à essorer les fans jusqu’au bout, et présentent pour le deuxième rappel un medley des thèmes de combat de Final Fantasy VII ; c’était inévitable... Mais Thomas Böcker est un blagueur, il nous l’a déjà prouvé par le passé. L’heure n’est pas à la finesse, et Roger Wanamo donne à ce morceau la forme qu’il mérite, c’est-à-dire celle d’un plaisir coupable. Il orchestre un jeu de piste amusé, dont le but est de reconnaître avant tout le monde tel thème annoncé en plein milieu d’un autre (par exemple, le thème de Jenova amorcé par les flûtes en plein couplet de Those Who Fight) ; il se rie une nouvelle fois de l’adoration excessive des fans pour One-Winged Angel, car il sait que personne ne lui en voudra. De toute façon, on serait bien culotté d’avoir quelque grief contre lui à l’issue d’une soirée aussi mémorable !

Voilà, c’est terminé. Une fois de plus, l’orchestre de la WDR aura émerveillé nos oreilles comme cela n’arrive pratiquement jamais dans le monde de la musique de jeu vidéo. Et nous, heureux spectateurs de l’événement, amorçons notre lente, très lente redescente sur la planète Terre. Certes, deux ans après Symphonic Fantasies, et quelques mois après Symphonic Legends, ces odyssées n’étaient sans doute pas une révolution. Mais elles sont une nouvelle et superbe addition à un corpus musical d’une qualité prodigieuse et providentielle. La folle équipe emmenée par Thomas Böcker aura fait briller le jeu vidéo et sa musique d’un éclat qui dépasse nos fantasmes les plus délirants. On ne les en remerciera sans doute jamais assez.


Voir le concert Symphonic Odysseys sur Youtube
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samedi 16 juillet 2011

Elle était à qui, cette robe ?

Un exercice de style, sans réelles ambitions stylistiques. C’est tout le paradoxe pas banal de cette première production française tournée en 3D.

On ne sait pas trop par quel bout le prendre, ce film. Difficile d’interpréter son scénario qui joue constamment avec les faux semblants : ramassis de lieux communs d’un côté, étrange labyrinthe aux nombreuses fausses pistes de l’autre. Ce mélange entre drame et conte fantastique, on croit l’avoir déjà vu mille fois ; puis tout bascule quand soudain, l’un des deux aspects s’effondre sous le poids de l’autre. Alors, que devrait-on y voir ? Un triste témoin du manque de créativité du cinéma français ? Ou une variation subtile sur un thème déjà connu... sans doute trop subtile pour qu’elle puisse vraiment convaincre ?

Il en est de même pour le visuel. D’un côté, il y a ces décors de peu d’envergure, cette production assez bas de gamme (le montage est souvent assez cahotique). De l’autre, il y a une mise en scène certes peu originale, mais maîtrisée ; en particulier, bien sûr, dans son utilisation de la 3D, tour à tour oppressante et libératrice, et qui renforce de la plus belle des manières tous les non-dits du film.

C’est peut-être (sans doute, devrais-je même dire) en tant qu’aficionado de la 3D que j’ai envie de considérer ce film avec beaucoup de bienveillance. Mais dans tous les cas, aussi inaboutie la tentative soit-elle, elle n’est clairement pas dénuée d’intérêt.

So, who are you, panda?

C’en est presque estomaquant. Kung Fu Panda 2, en fait, c’est Kung Fu Panda 1. Tout pareil.

Certes, on s’épargne les expositions bien lourdingues qui plombaient le début du premier épisode (c’est ça qui est toujours bien avec les n°2). Pour le reste, les ingrédients sont exactement les mêmes : la prophétie autoréalisatrice, le méchant qui n’aurait peut-être pas été si méchant s’il n’avait pas subi le rejet de ses parents, la recherche vaine de l’apaisement à travers la possession... Cependant, miracle, la recette fonctionne beaucoup mieux cette fois-ci. Une seule et unique raison à cela : cette fois-ci, les réalisateurs ont enfin jugé bon de donner un soupçon d’épaisseur à leurs personnages.

C’était le plus gros défaut du premier épisode, et c’est un défaut récurrent des films DreamWorks Animation : des personnages archi-légers, conçus comme de simple faire-valoir pour les stars de tout bord qui leur prêteront la voix. Ici, au moins deux des personnages principaux (Po et la Tigresse) ont l’occasion de se raconter un peu plus en profondeur, de façon plus personnelle, tandis que le méchant de l’histoire est en proie à une folie et une souffrance crédibles. Conséquence immédiate : on croit à cette histoire. Et un film DreamWorks auquel on a envie de croire, c’est un événement.

Oh, bien sûr, le studio ne s’est pas non plus totalement débarrassé de ses sales habitudes. Il reste quelques gimmicks totalement dispensables (entre autres, un crocodile doublé par Jean-Claude Van Damme d’une absolue transparence), quelques instances d’un humour pseudo-cool saugrenu qui vient gâcher certaines séquences qui auraient sans doute été très belle sans ça, des acteurs trop souvent en roue libre (surtout Jack Black, évidemment), une progression parfois un peu machinale. Mais c’est encourageant, et cela confirme que l’excellent How To Train Your Dragon n’était pas qu’un coup de chance, que DreamWorks est peut-être en train de changer.

Alors certes, Kung Fu Panda 2 n’est pas encore tout à fait ce que Kung Fu Panda 1 aurait du être, mais il s’en rapproche. Allez, on y croit pour le troisième épisode !

jeudi 16 juin 2011

Alors maintenant, nous sommes six.

Dans le monde de l'animation française, on a un talent certain pour gâcher les bonnes idées. "On", ça désigne beaucoup de monde. Mais les gars d'Onyx Films et Luxanimation sont particulièrement forts à ce jeu-là. En 2006, Renaissance, malgré son concept indéniablement séduisant, laissait un amer goût d’inachevé dans la bouche, et fut un désastreux échec public, ne récupérant même pas 2 millions de dollars de recette au box-office mondial sur les 20 millions que coûtèrent sa production. Une question se pose donc : pourquoi récidiver ? Pourquoi refaire exactement la même connerie cinq ans plus tard ?

The Prodigies, à l’image de son prédécesseur veut à tout prix jouer au film américain. Ses ambitions sont internationales, qu'on se le dise. Et cela commence par cet affreux titre anglais. "The Prodigies". Mais pourquoi, bon sang ?! Pourquoi ne pas avoir simplement garder le superbe titre du roman FRANÇAIS dont le film est adapté, La Nuit des Enfants Rois ?

Très bien, jouons au film américain, adaptons notre histoire dans un style purement américain, écrivons nos dialogues en anglais. Problème : on n'est pas américain. Et donc, ça sonne faux, terriblement faux. Tant pour les personnages, tous aussi caricaturaux et superficiels les uns que les autres, que pour les situations, parfaitement grotesques la plupart du temps. C'est d'autant plus horripilant que l'on sent toujours en arrière plan l'âme du roman de Bernard Lenteric, avec sa force et son onirisme, qui tente vaguement de se faire entendre, mais qui n'est au final que défigurée par une telle débauche de stéréotypes et d'idiotie. Le portrait des Enfants Rois en devient particulièrement effroyable : loin des personnages souffrants et torturés qu'ils sont censés être, les voilà devenus de simples petites pestes animées d'une violence et d'un égoïsme absolument insupportables. Impossible de ressentir la moindre empathie pour ces petits merdeux, qui transforment l'ensemble du film (et en particulier son final hallucinant - pas dans le bon sens du terme) en un véritable supplice.

Bien évidemment, du haut de ses 20 millions d'euros du budget, le film ne peut aucunement prétendre à la moindre dimension spectaculaire. Avec son graphisme efficace mais banal, et son animation tristement rigide et inexpressive, il ne marquera pas les esprits. Mais de toute façon, soyons clair : aucune prouesse visuelle n'aurait pu excuser une écriture aussi misérable. Quel triste gâchis...

jeudi 9 juin 2011

Always you wrestle inside me

Peut-on tout pardonner à un génie ? Peut-on tout admettre tous ses excès ?

Terrence Malick est un extra-terrestre. Dans ses mains, une caméra se transforme en arme de destruction massive. Ses images sont puissantes, fiévreuses, belles, au-delà du concevable. Hélas, concaténer des séquences géniales ne suffit pas à faire un film génial. Tel une véritable tour de Babel cinématographique, The Tree of Life s’écroule régulièrement sous le poids de sa propre ambition ; malgré ses efforts répétés à faire dialoguer le drame social intimiste avec un ésotérisme new-age un peu obèse, il n’y parvient jamais de façon convaincante. Se voulant une sorte de méta-film nous racontant rien moins que l’univers tout entier, il finit par ne ressembler qu’à une étrange expérimentation, fonctionnant par fulgurances. De sacrés fulgurances, aussi magnifiques que bouleversantes, certes. Mais il est d’autant plus frustrant qu’un tel génie soit mis au service d’un film qui ne tient tout simplement pas debout.

Miaou, eh, miaou !

Il y a beaucoup d’idées dans ce film. Beaucoup de bonnes idées. Peut-être même un peu trop : il accumule à un rythme effréné les références, les symboles, les personnages pittoresques... Mais c’est au détriment du récit, qui se retrouve étouffé sous le poids de cette générosité excessive.

À trop jongler entre la fable, le délire surréaliste et une dure chronique des relations intercommunautaires, le film manque d’unité, et Sfar finit par s’embarquer dans un slalom confus qui largue petit à petit le spectateur, à mesure que la conclusion approche. C’est dommage, mais qu’importe : on retiendra surtout l’humour chaleureux et le merveilleux message humaniste de la première moitié du film.

mercredi 8 juin 2011

Nous allons être en retard !

Ce n’est pas un Paris de carte postale. C’est encore mieux que ça. C’est une utopie d’artiste, drôle et espiègle, inspirée et inspirante. C’est un concentré de bonheur, plein d’esprit, d’auto-dérision loufoque et tendre. Le meilleur film de Woody Allen depuis longtemps, très longtemps.

dimanche 29 mai 2011

Cradled in eternity


Il y a des jours dans la vie où l’on se sent chanceux. Très chanceux. Par exemple, ce dimanche 22 mai 2011, lorsque nous fûmes quelques 240 privilégiés à pouvoir assister à un concert dédié à l’oeuvre de Masashi Hamauzu, organisé à la Cité Internationale des Arts de Paris par le tout jeune label Wayô Records.

Dans un cadre que l’on aurait difficilement pu imaginer plus chaleureux et convivial, fut donc célébrée la musique si douce et fascinante du compositeur de Final Fantasy X, Final Fantasy XIII, Unlimited SaGa, et encore bien d’autres jeux aux bandes sons grandioses. Pour la servir, il fut fait appel à de jeunes musiciens issus du Conservatoire national de Lyon. Chacun à sa manière, ils auront relevé haut la main le défi, faisant vivre les partitions qui leur furent confiées de la façon la plus renversante qui soit.

Vie et enthousiasme. Voilà qui résume à merveille l’esprit des interprétations auxquelles nous avons assistées cet après-midi. La pianiste Yuka Fujii, la plus présente sur scène, aura su déployer sans retenu ses sonorités légères et chaleureuses. Lors de ses reprises d’extraits des Piano Collections FF X et XIII, elle troque la sage et délicate précision des enregistrement d’Aki Kuroda, contre un jeu vif, rapide et enthousiaste, mais qui sait rester d’une superbe sensibilité. Chaque aspect de la musique se pare d’une désarmante spontanéité, qu’il s’agisse de la main gauche dansante de Besaid, des ostinatos virevoltants d’Assault, de l’insaisissable sensation de suspension de Reminiscence - Sulyya Springs, ou de la fragile mélancolie du thème de Lightning. On se retrouve prisonnier corps et âme de l’extraordinaire pouvoir hypnotique de ces musiques. Il en sera de même lorsque, plus tard dans le concert, elle s’attaquera aux trois morceaux pour piano solos préparés spécialement par Masashi Hamauzu pour ce concert à Paris.

Entre temps, la sensation d’hypnose ne faiblit pas lorsque Yuka est rejointe sur scène, pour quelques quatre-mains extraits de SaGa Frontier 2, par un Jean-Vianney Zenati au son plus sombre et distant. À eux deux, ils parviennent à créer des atmosphères denses et complexes. De la douce et épaisse brume de "γ" 1 à l'urgence guillerette de "γ+" 3, est déployée une étonnante gamme de sonorités aussi paradoxales que captivantes.

Cependant, le concert opère une véritable bascule lorsqu’est entamé Frenzy Under Pressure, un trio pour piano, violon et violoncelle lui aussi composé spécialement pour l’occasion. On oublie alors le Masashi Hamauzu de carte postal du début de concert, celui que tout le monde connaît. Cette partition d’une noirceur inattendue se révèle méandreuse, presque labyrinthique, à la fois éthérée et massive. Le violoncelle de Seok-Woo Yoon est pesant, tandis que le violon de Johan Veron survole de façon aussi majestueuse que menaçante les étranges courbes dessinées par le piano. On ressort sonné, mais aussi euphorique, de cet extraordinaire voyage dont on ne peut regretter que la courte durée !

Pour l'avant-dernier acte, le Yume Duo monte sur scène et interprète trois transcriptions pour piano et violon de son propre cru. L'essence des morceaux originaux est merveilleusement captée par les deux interprètes, dont les arrangements sont d'une élégance et d’une ampleur formidables, laissant même par instant quelques très subtiles touches typées impro jazz s'échapper du piano. En particulier, leur reprise de Besaid aura littéralement cloué à leur siège tous les spectateurs, restés bouche bée devant un jeu de dialogues virtuose, extraordinairement grisant.

C’est alors que vient l’apothéose : Hamauzu et la chanteuse Mina montent sur scène et nous offrent en exclusivité mondiale deux extraits d’Imeruat, leur projet de musique Aïnou. Que ce soit avec la douceur quasi mystique de Cirotto ou la frénésie hallucinée de la chanson titre Imeruat, Mina et Hamauzu n'auront eu aucun mal à mettre définitivement l'ensemble des auditeurs dans un état second, une extase indescriptible qui mettra du temps, beaucoup de temps à s'estomper.

Impossible de décrire ce qui passe dans la tête de tout un chacun à cet instant. Est-on simplement enivré par la beauté extraordinaire du spectacle musical auquel on vient d’assister ? Euphorisé par l’intense moment d’intimité que l’on vient de vivre avec un artiste adulé à travers le monde entier ? Galvanisé par la puissante et palpable communion avec des musiciens clairement aussi passionnés que nous par ces musiques ? Un peu de tout ça à la fois, bien évidemment. Et comme pour graver définitivement dans l’âme de chacun ce souvenir aussi rare que précieux, Hamauzu signe lui-même l’épilogue du concert en se lançant, seul au piano, dans un "β" 1:Botschaft lumineux, transpirant de ce sentiment qui semble avoir envahi la salle entière : le bonheur, tout simplement.

mardi 17 mai 2011

Il faut vivre.

Un formidable pied de nez à Hollywood. Détective Dee est tout ce que le gros cinéma américain n’arrive plus à être : passionné, enthousiaste, généreux, décomplexé.

Toute l’inventivité, la folie de Tsui Hark est là. Peu importe les moyens limités, peu importe si une imagerie à couper le souffle côtoie un ou deux effets spéciaux digne d’une PlayStation 2 (feat. aliasing et textures baveuses), peu importe si certaines idées frôlent dangereusement les limites du WTF (des cerfs monacaux qui parlent et qui font du kung-fu... uh, what?). Le trip est total, le divertissement est absolu, et reste en toute occasion digne de la traditionnelle grandeur esthétique que l’on connaît au cinéma chinois. Cette élégante frénésie visuelle déroule intrigue follement dense et habile, très rapide aussi (j’ai fini par arrêter de compter le nombre de personnages, mais une chose est sûre : mieux vaut rester concentré si l’on ne veut pas très vite perdre le fil) ; le suspens est grisant.

Tout au long du film (et en particulier au cours d’un final qui transpire la volonté d’indépendance, et à la morale d’une réjouissante ambigüité : tout le monde finit par se soumettre au pouvoir, mais pas trop non plus), Tsui Hark n’oublie pas non plus de nous rappeler qu’il est parfaitement conscient de sa propre naïveté. Ainsi, il désamorce toute forme de cynisme critique qui aurait pu nous faire hurler au manque de fond, à la superficialité. Et en fin de compte, on ne retient qu’une chose de la séance : on a quand même méchamment pris son pied.

samedi 7 mai 2011

Le loup en appela au pouvoir du Soleil.

Un constat d’échec. Un aveu d’impuissance. Et rien d’autre. Enfin, si : un assassinat en bonne et due forme.

Flashback. En avril 2006 sort sur PlayStation 2 Ôkami, le premier jeu intégralement conçu et développé au sein du studio Clover, propriété de Capcom. Un jeu d’une ambition folle et d’une richesse à peine croyable, nourri des légendes et traditions ancestrales japonaises, arborant un style graphique stupéfiant de beauté, et racontant son histoire avec un ton faisant un étonnant et merveilleusement habile grand écart entre la comédie burlesque et l’épopée légendaire. 40 heures de jeu, 40 heures de bonheur et d’émerveillement intenses, à peine entachées par quelques petites baisses de rythme par-ci par-là. Et la certitude de tenir là un jeu majeur.

Seulement voilà, le jeu vidéo est un loisir de débile, et donc Ôkami a fait un four partout dans le monde. Normal, il n’y avait pas écrit “Call of Duty” ni “FIFA” sur la boîte, ça n’avait aucune chance de marcher.

Conséquence immédiate, ni une ni deux, Clover ferme ses portes quelques mois plus tards (tout juste le temps de sortir un dernier jeu pour la route, God Hand), et Hideki Kamiya et Atsushi Inaba, respectivement réalisateur et producteur d’Ôkami, quittent Capcom pour aller fonder le studio Seeds (qui deviendra plus tard Platinum Games).

Là, on se dit que c’est bon, on n’entendra plus jamais parler de la licence Ôkami. Sauf que chez Capcom, on a de la suite dans les idées, et on sait que les jeux ayant eu une aussi bonne presse que ça, c’est pas monnaie courante ; et ça vaut quand même le coup de capitaliser dessus. On annonce donc un portage du jeu sur Wii (qui fracasse au passage le style graphique du jeu et l’ampute de son somptueux générique de fin, mais c’est pas grave), et aussi... une suite. Sans Kamiya et Inaba, bien sur. Et ce coup-ci, on la joue “fail-safe” : d’abord, on choisit une plate-forme qui nous assurera des coûts de production particulièrement bas (la DS) ; ensuite, on se donne une orientation trop mimi-kawaii-choupinou-nintendogs qui assure l’adhésion du grand public. Traduction : on met des gamins et des bébés partout où on peut, et le protagoniste principal est donc un louveteau, la progéniture du loup en lequel la déesse du soleil, Amaterasu, s’était incarnée dans le premier volet.

Problème : le louveteau en question n’est pas mignon, il n’est même pas beau, n’a pas hérité d'un centième de l'élégance de son ascendance, et il est aussi expressif qu’un poisson mort. Mais c’est pas grave.

Tout au long du jeu, il sera accompagnés par divers jeunes personnages qui se succéderont : le fils de Susano, une jeune sirène sortie de nulle part, une jeune actrice de kabuki sortie de nulle part, un jeune garçon du Peuple de la Lune, et... un mec boulimique dont j’ai toujours pas compris à quoi il servait (et qui sort de nulle part). Bref, cinq petits personnages tout mignons (ou pas), dont trois pour lesquels on ne peut humainement pas développer la moindre empathie puisqu’ils ne servent STRICTEMENT à rien.

L’univers est rachitique. Reprenant à tout péter un petit dixième de l’air de jeu originale (et n’introduisant quasiment aucune nouvelle zone), il est de surcroît vide, dépourvu de toute forme de vie. Les quelques efforts faits pour assurer la continuité avec le jeu original ne font rien d’autre que de souligner douloureusement l’ampleur du massacre : bâtiments sans utilités (ils se sont tous malencontreusement effondrés il y a quelques jours, oups, c’est ballot !), accès à d’autres zones bouchés, murs invisibles... Tous les poncifs du genre y passent.

Le scénario et la progression, quant à eux, sont juste idiots. Témoignant de l'ahurissant désert créatif qu'est Ôkami Den, ils reprennent à la lettre les mécaniques du jeu original, et le font maladroitement, sans talent, sans inspiration, sans conviction, bref : sans rien. Enfin, ça, c’est jusqu’au dernier quart du jeu.

À ce moment-là, on passe en mode super-sayien. Au moyen de voyages dans le temps lourdingues, le jeu décide d’aller farfouiller au coeur même de la mythologie d’Ôkami. Le voilà qui trempe ses pattes lourdaudes dans la peinture céleste de Shiranui. Attention les yeux, ça va faire des dégâts. Si l’on était près à accepter quelques incohérences temporelles (envore que, il aurait fallu qu’il n’y en ait pas plus de 9000 comme ici), il est tout simplement impossible de pardonner la façon dont sont mutilés les personnages du jeu original. Ils sont soudainement privés de toute leur richesse, tout leur caractère. Shiranui en fait les plus gros frais : jadis une divinité magnifique et majestueuse, dont chaque apparition prenait un tour mythique (au sens propre du terme) et même presque messianique, il est ici au réduit au rôle d’un canidé lambda, dépourvu de la moindre élégance, qui se contente d’être “mignon” quand il fait des caresses au petit louveteau (“kawaii”, les gros, “kawaii” !).

Bref, à cause de ce final, il n’est donc même pas possible de rester indifférent à cet Ôkami Den. Pour quiconque a connu et apprécié à sa juste valeur le monde d’Ôkami, il est une insulte, un vigoureux bras d’honneur. Un caprice de gosse trop con et naïf pour croire qu’il suffit d’imiter les grands pour se faire passer pour l’un d’eux. Pour que la légende du village de Kamiki reste ce magnifique conte que l’on a un jour connu, il faut à tout prix oublier cet “Ôkami for kids/with kids/by kids”, le faire disparaître à tout jamais. Feu à volonté.

jeudi 5 mai 2011

You know what the bush is about?

La violence. Rien que la violence. Lancinante, bruyante, silencieuse, inéluctable. La douleur est une illusion, le réconfort est une illusion, la peur est une illusion. Seule la violence est concrète.

Pas d’échappatoir. Ou alors, si : le chaos. Le seul qui ne choisisse pas ses victimes. Finalement, dans cette histoire, l’horreur, la vraie, n’apparaît que lorsque le besoin de protection maternel prend le dessus sur le chaos : en introduisant des valeurs sociétales dans ce monde anarchique, il transforme les animaux en hommes ; il transforme l’instinct de survie en instinct meurtrier. Il rend possible le concept même d’injustice.

Animal Kingdom, une apologie de la pensée du Joker ? Sans doute bien plus que ça. Au final, on n’est sur que d’une chose : dans cet enfer-là, le seul moyen de se délivrer de la violence, c’est d’y plonger.

samedi 30 avril 2011

And then what? I don't know... Something, though.

La pudeur érigée en principe de cinéma. Pas un concept forcément très original, mais il est là développé avec une intelligence et une sensibilité rare.

Pour nous relater ce qui est sans doute le drame le plus horrible qu’un être humain puisse vivre, John Cameron Mitchell s’épargne toute exposition, toute exhibition. Il s’efface littéralement, nous laissant seuls face à ses acteurs troublant de vérité, et laisse la douleur s’installer comme une évidence. C’est sans doute cela qui, au final, la rend acceptable. C’est grâce à cela que, malgré un message à peine supportable tant il déborde de malaise et de désespoir, le final merveilleusement ouvert du film réussit à nous laisser avec un léger sourire sur le visage, qui aide à se sentir le coeur un peu moins lourd. Du cinéma puissant et remuant.

Welcome back.

Les vingt dernières minutes de la honte.

C’était pas trop mal parti, pourtant. Pas de quoi se relever la nuit non plus, mais bon : le concept, bien que légèrement capillo-tracté, est plutôt intéressant, une sorte de huis-clos-mais-pas-trop joliment nerveux et perturbant. Et l’on est déjà près à excuser une morale typée post-9/11 que l’on devine particulièrement douteuse.

Puis viennent ces fameuses 20 dernières minutes. À ce moment, l’histoire est terminée, il n’y a plus rien à dire ; on sent comme un flottement dans la salle, une incompréhension généralisée face à un récit qui refuse de se conclure. Et là, ça part totalement en live. Un twist final inimaginable de ridicule vient torpiller toute la crédibilité de ce qui a précédé, et le film s’écroule comme une merde dans des considérations pseudo-métaphysiques de comptoir qui ne peuvent rien inspirer d’autre que la consternation la plus profonde (et il n’est pas difficile de percevoir que les acteurs eux-mêmes n’y croient pas une seule seconde).

Alors bon, avant cela, il y a quand même 1h10 plutôt plaisante à passer. Mais bon sang, tout de même, quelle frustration...

dimanche 24 avril 2011

We're, like, chained-by-destiny birds!

Quelle merveilleuse époque l'animation américaine est en train de vivre ! Près de quinze ans après l'avènement du roi Pixar, son héritage est enfin en train de se mettre en place. Revaloriser les auteurs, redonner aux films une personnalité qui soit celle de créateurs et non celle d'une entreprise : voilà ce qui semble être le nouveau mot d'ordre des studios. Grand bien leur en a pris : c'est de cette façon qu'en 2010, Disney (avec Glen Keane) et DreamWorks (avec Chris Sanders et Dean DeBlois) ont pu sortir deux films extraordinaire, d'une qualité que l'on n'aurait jamais osé espérer de la part de ces studios.

Et tout ça, chez la Fox, on l'a visiblement bien compris. Fini, les entreprises efficaces mais sans véritable âme (L'Âge de glace, Robots...) : il est temps de passer à la vitesse supérieure, de laisser un réalisateur faire un film avec ses tripes. Et les tripes du brésilien Carlos Saldanha, forcément, sont remplies de samba et des couleurs bigarrées du carnaval de Rio.

Tout est réunie pour que l'entreprise soit un succès total : une histoire vieille comme le monde et cousue de fil blanc, mais remise au goût du jour, et qu'on prend toujours plaisir à réentendre ; le rythme et l'énergie apportés par des personnages charismatiques ; et bien sur, la désarmante sincérité que nous garantit la démarche profondément personnelle de Saldanha. Et effectivement... il ne manque pas grand chose pour que le film soit vraiment convaincant.

En fait, ce qu'il manque à ce film, c'est tout simplement de la verve. Sur tous les thèmes qu'il aborde (le message écologique, la vie des favellas, l'extravagance de la population carioca...), on a l'impression que Saldanha est déjà à cours de choses à dire après seulement 30 secondes et deux ou trois répliques. La peur d'ennuyer ? Du coup, les situations s'enchaînent de façon mécanique et un peu artificielle, pas aidée par un casting vocal trop inégal : si l'ensemble des rôles animaliers sont plutôt bien desservies, les personnages humains sont en revanche étrangement désincarnés. Tout cela est par ailleurs ponctué par des numéros musicaux qui peinent à convaincre : introduits et justifiés de façon laborieuse, ils souffrent en outre d'une animation moyenne voire médiocre, statique et peu expressive (dans le genre "danse aviaire", on ne peut s'empêcher de faire la comparaison avec Happy Feet... et de constater qu'il y a quinze classes d'écart entre les deux films !).

Vu comme ça, on pourrait croire que je n'ai pas aimé le film. C'est se méprendre : je serais malhonnête de nier que, au final, le film fonctionne. Parce qu'il est drôle et chaleureux, parce que ses personnages sont éminemment sympathiques, et surtout, parce qu'il est plein de promesses : maladroit et peut-être pas assez ambitieux, mais certainement pas inconsistant, il réussit malgré tous ses nombreux défauts à se forger une réelle âme, et effleure même par instant une véritable élégance, capable de susciter l'émotion. En celà, il montre que les studios Blue Sky font désormais parti eux aussi de la shortlist des studios américains qui ont le potentiel de nous pondre des merveilles. Une shortlist qui, à ce jour, paraît moins "short" que jamais. Et ça fait méchamment plaisir.

mardi 12 avril 2011

Continue de chercher.

Le spectacle vivant filmé sans le moindre compromis, sans aucun sacrifice, dans toute sa sensualité et toute son intensité. Vous en rêviez, mais vous étiez convaincus que c'était tout simplement impossible ; pourtant, Win Wenders l'a fait. Et de quelle manière !

C'est évidemment la 3D qui rend ce miracle possible. Pour tous ceux qui restent à convaincre que non, définitivement non, la 3D n'est pas qu'un gadget de parc d'attraction : c'est ce film-là qui vous fera définitivement changer d'avis. Plus que tout aspect spectaculaire, bien plus que le simple "wow factor", c'est la qualité première de la captation stéréoscopique qui est ici poussée à son paroxysme : la présence des danseurs est tout bonnement confondante. On ne peut pas humainement renforcer au-delà de ce que fait ce film l'illusion que les protagonistes se trouvent physiquement devant nous. Grâce à une captation d'une simplicité et d'une sobriété absolues (une seule et même focale utilisée tout le long du film, des mouvements de caméra très lent), on est littéralement transporté sur scène, au milieu des danseurs. Vous ne vivrez ça nulle part ailleurs.

Pour le reste, je ne me risquerait certainement pas à essayer de commenter le contenu à proprement parler du film. L'oeuvre de Pina Bausch est ce qu'elle est, et elle se passera volontiers de mon avis, forcément ridicule, réducteur et insignifiant. Je me contenterai donc donner ce conseil : que vous aimiez la danse contemporaine ou non, que vous connaissiez Pina Bausch ou non, allez voir ce film à tout prix, et allez le voir en 3D. Ce qu'il a à vous offrir est bien trop précieux pour que vous puissiez vous permettre de le rater.

lundi 11 avril 2011

Oh, and one more thing...

Je pense que Zack Snyder s'est lancé le défi de réussir un jour à réaliser un film constitué à 100% de ralentis.

Ahhhhh, Zack Snyder. Rien qu'en pensant à ce nom, je suis submergé d'un sentiment situé quelque part entre et . Le bûcheron ultime. Le bulldozer infernal. L'anti-cinéaste de l'apocalypse.

Et là où ça devient fort, c'est que ce Sucker Punch, même ses précédents films ne nous y avaient pas préparés. Le pré-générique doit être une des séquences les plus surréalistes de toute l'histoire du cinéma. Ce que l'on voit, ce n'est rien d'autre qu'un début de conte à l'ancienne (deux soeurs qui se retrouvent orphelines et qui se font abuser par leur nouveau tuteur et tout et tout, ouahou, quelle originalité), mais filmé de façon encore plus foutraque et WTF-esque que les séquences les plus débiles de 300 ; et le tout avec en bande-son un remix pop-indus du "Sweet Dreams" d'Eurythmics qui s'applique soigneusement à laminer un par un les tympans de chacun des spectateurs. Comment voulez-vous survivre à ça ?

Une fois nos capacités intellectuelles anesthésiées par cette intro dévastatrice, il est temps de s'attaquer au vif du sujet, à savoir : des bonnasses qui font des pirouettes dans des univers numériques incompréhensibles avec plein de trucs qui explosent dedans. Pour justifier tout ça, un espèce de bordel mystico-onirique, une sorte d'Inception au bord de l'overdose au LSD, qui fait dans le genre totalement gratuit et qui ne prétend même pas une seule seconde être autre chose qu’un simple prétexte aux délires esthétiques de Snyder. La dramaturgie est digne d'un mauvais jeu vidéo, avec une progression aussi habile et inspirée que celle d'un Super Mario. Chaque épisode/niveau ne dure pas plus d'un quart d'heure : au-delà de ça, on risquerait de se lasser !

Avec la conviction d'un fou qui se frappe obstinément la tête contre un mur en béton armé, Snyder navigue à vue, mais pied au plancher, dans son univers totalement hors de contrôle. Refusant catégoriquement toute forme de constructivité, multipliant les références pop-culture, les appréciant et les valorisant d'autant plus qu'elles sont parfaitement saugrenues voire déplacées (la guerre des tranchées avec des zombies sapés comme les soldats de Jin-Roh et des Metal Gears arborant des peintures Hello Kitty, what else ?). La bande son est un concentré maxi best-of (ou worst-of, c'est selon) de tout ce que les 30 dernières années ont produit de plus dégénéré (avec Björk en tête de file). Preuve ultime de la volonté de Snyder de dézinguer toutes les règles établies du cinéma, le voilà qui s'amuse à générer chez le spectateur la frustration ultime : la seule chose qui semble fasciner les personnages du film, à savoir la danse de Babydoll, eh bien vous ne la verrez jamais. Tout le reste, toutes ses plus folles extravagances (mais qui ne semble pas émouvoir le moins du monde nos protagonistes), il vous les montre dans tous les détails, avec force ralentis et gros plans ; la danse de Babydoll, elle, restera à jamais cachée !

Sans surprise, c'est grâce à tout ce travail acharné de destruction que le film trouve son intérêt. Derrière l'hystérie apparente, il se rapproche d'une certaine épure : l'esthétisme à tout prix, le rejet en bloc de toute forme de création "intelligente", lui permet d'atteindre une densité graphique inouïe. C'est grâce à ça qu'il arrive à nous embarquer dans une histoire pourtant intolérablement grotesque. En ce sens, Sucker Punch est une ode à un cinéma instantané, hautement périssable, qui se vit intensément et se suicide dès que le générique de fin démarre. C'est d'ailleurs ce semble nous dire le merveilleux final en eau de boudin de ce film : "oubliez immédiatement tout ce que vous venez de voir". Pour cela, je trouve même que ce Sucker Punch pourrait être une excellente conclusion à la filmographie déjà mythique et tellement insensée de Zack Snyder. Mais quelque chose me dit que le bougre n'a pas envie de s'arrêter là...

lundi 28 mars 2011

We can run to the end of the world


Yasunori Mitsuda - Intangible Treasure - Orchestral Version - (album : -Myth- The Xenogears Orchestral Album)
(arrangement : Natsumi Kameoka)


La musique de Yasunori Mitsuda est tout à fait singulière. Elle a une place très particulière dans le cœur de tout gamer mélomane qui se respecte. C'est une de ces musiques dont il est difficile de parler : dès qu'il s'agit de la commenter, bien vite nous vient l'envie de nous taire et simplement la laisser parler pour elle même. Sans doute parce que la plus évidente de ses qualités est sa simplicité. Non, la musique de Mitsuda n'est pas très originale ; ce n'est rien de le dire. Que ce soit en terme de construction harmonique ou d'orchestration, une analyse objective n'a que peu de chance de révéler quoi que ce soit de vraiment notable. Ce qui séduit dans cette musique, c'est sa brutale sensibilité, les torrents d'émotion qu'elle contient, et sa capacité à les déverser sans chichis, sans excès, dans un calme rassurant et propice à l'abandon de soi. Cet album d'arrangements orchestraux des musiques de Xenogears en est l'éclatante démonstration.

Réalisé en à peine trois mois, d'octobre à décembre 2010, le disque ne sacrifie pourtant rien de la qualité de finition et d'exécution à laquelle le compositeur nous a habitué. À l'inverse, c'est sans doute en partie grâce à ce délai très court que les arrangements s'avèrent être d'une désarmante spontanéité, qui ajoute encore à l'émotion simple qui parcourt le disque. Plus que jamais, Mitsuda et ses compères arrangeurs parviennent à se défaire de toute intellectualisation de la musique, à revenir à l'essence même de l'émotion musicale. On redécouvre comme au premier jour les mélodies sublimes, et désormais légendaires, de Xenogears. Et qu'importe si elle sont dépourvues de toute originalité, tant pis si nous avons déjà entendu mille fois ces sonorités, ces motifs, ces rythmes : ils ne nous ont jamais paru aussi évidents, et l'on se rappelle aujourd'hui de l'émotion brutale qu'ils nous ont inspirée les premières fois qu'on les a entendus. C'est ça, le miracle de la musique de Yasunori Mitsuda.

Wouldn't wanna be you when Satan finds out!

WTF IS THIS SHIT

Ça commence normalement, bon, c'est un nanard assumé avec Nicolas Cage, le Steven Seagall du troisième millénaire, et tant mieux, c'est ce qu'on était venu voir. Et puis à un moment, il y a le scénariste qui craque, il y a des gens qui sont déjà morts mais qui se sont échappés de l'enfer, et un mec qui sort d'un semi-remorque transportant un tank à hydrogène lancé à 300 à l'heure en marchant sur le capot d'une voiture de flic, le tout en imitant Horatio Caine et avec "That's the Way I Like It" en fond sonore, après mon cerveau a fondu et je...

samedi 26 mars 2011

I'm going to slice your face off and use it to wipe my unmentionables!

C'en devient presque écœurant. Incompréhensible. Inimaginable. Comment est-ce possible ? Comment un homme, un extra-terrestre, ou même un cyborg, peut-il atteindre une telle maîtrise de son art, repousser toujours plus loin les limites de son talent ? Ne jamais s'arrêter, rester d'une constance affolante (pour ne pas dire inquiétante) dans le génie...

Roger Deakins. Je ne sais plus quoi faire, je ne sais plus que dire, pour tenter de décrire la somptuosité de son travail sans tomber dans le lourdingue et l'insignifiant. Film après film, Deakins n'en finit plus de construire son statut de légende vivante. Si aujourd'hui, on nomme souvent (et non sans raisons) Conrad Hall comme le plus grand directeur de la photographie de l'histoire du cinéma, il ne fait aucun doute que Deakins, au bout de son œuvre, aura fini par le rejoindre là-haut, tout là-haut, au firmament des magiciens de la lumière.

Les raisons de cette incontrôlable envolée lyrique dont vous venez d'être témoin ? Elles paraîtront évidente à quiconque ne regarderait que cinq minutes de ce Rango. Les ambiances créées par Deakins pour ce film sont tout bonnement ahurissantes de variété, de richesse, de beauté, de force. Le soleil de plomb sur un désert aride, l'obscurité étouffante d'un saloon crasseux, la douceur feutrée du bureau du maire, l'éclat fantomatique de la lune sur les dunes de Mojave... Il est à peine croyable que la lumière puisse atteindre une telle expressivité. Rien qu'en cela, le premier long-métrage animé d'Industrial Light & Magic se démarque.

Pour le reste ? Gore Verbinsky se contente de répéter la recette qui a fait le succès de ses Pirates des Caraïbes : assurer le minimum syndical du film popcorn de base, faire confiance aux gars de la technique pour le côté grand spectacle, et laisser un Johnny Depp en roue libre amuser la galerie.

C'est peu de dire que ce film-là est léger. Difficile d'imaginer une intrigue plus linéaire, prévisible et superficielle. La bonne nouvelle, c'est que le film est parfaitement conscient de ces défauts... et qu'ils s'en contrefout royalement. Ainsi, il n'a aucun scrupule à abandonner lâchement certains personnages après à peine quelques secondes à l'écran, juste le temps de nous faire goûter à un character design grandiose (l'anthropomorphisme réalisant ici d'authentiques miracles) et à un casting vocal absolument succulent. De même, aucune honte à enchaîner les références cinéphiles de façon totalement bordélique, sans le moindre soucis de cohérence ni de profondeur du propos. Malicieusement, la mise en scène n'hésite pas non plus à multiplier les gags à base de transgression du quatrième mur, jusqu'à en imbriquer plusieurs les uns dans les autres ("we need to go deeper", trolilol !!!) : vous savez pourquoi vous êtes venu voir ce film, et ce n'est pas pour vivre une histoire crédible et prenante.

Non non non, si vous êtes venus, c'est pour vous délecter du cabotinage d'un Johnny Depp en grande forme, et aussi pour en prendre plein les mirettes. A ce jeu-là, pour ceux qui doutaient que les gars d'ILM étaient bien les meilleurs infographistes du monde, l'affaire est désormais entendue : je ne crois pas prendre de risque en affirmant qu'il s'agit là du film d'animation le plus hallucinant qui soit d'un point de vue technique, toutes catégories confondues. Et si l'on ajoute à ça la prodigieuse direction artistique mentionnée plus haut, la conclusion devient évidente : dans le genre film à grand spectacle sans prétention sémantique, il paraît dur de faire plus réjouissant et excitant que Rango.

mercredi 23 mars 2011

Le craquage honteux du jour


Ah ben on est fan de 3D ou on l'est pas, hein...

mardi 22 mars 2011

I'm the one who's fighting, not you!

Une grosse patate en plein dans la tête. C'est comme ça que le film démarre. Pas de chichis ni d'hésitation, la couleur est annoncé dès la première scène : pas le temps d'enfiler ses gants on est déjà à fond dans le combat, sur la pointe des pieds, à l'affût. Le rythme est infernal, soutenu par une bande son brutalement rock & roll. Toutes les apparentes acalmies ne sont que des feintes, qui ne font que rendre encore plus violent le direct du gauche qui arrive.
Du début, à la fin, on se fait pilonner, frapper de tous les côtés, au coeur, aux tripes, partout. Le KO menace d'arriver à tout instant. On ne maîtrise plus rien, on est dans les cordes, enfoncé dans notre fauteuil, tendu comme un string, et la pression n'en finit plus de monter à une vitesse affolante. Jusqu'au climax, le combat final, qu'on est obligé de reconnaître qu'il est formellement très classique, et sans doute pas au niveau de tout le reste du film ; mais il est tellement bien amené que toute résistance est futile : on se laissera forcément prendre au jeu. Et ce n'est que tout au bout de l'épuisement émotionnel qu'enfin, le combat touche à sa fin.
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jeudi 17 mars 2011

Here comes the whack so we can bring it back!


The Go! Team - Voice Yr Choice (album : Rolling Blackouts)


Vous avez dix ans. Un matin de semaine, il est dix heures. La cloche sonne, c'est la récré, et tout le monde se rue vers la cour dans le plus joyeux des bordels, mélange de cris, de rires hystériques, et du rythme frénétique des pas lourds dans les couloirs de l'école.

Bienvenue dans l'univers de The Go! Team. Une musique prodigieusement foutraque, qui hurle sa joie de vivre au monde entier, qui ne s'arrête jamais de courir dans tous les sens. Ici, l'immaturité et l'inconséquence sont des raisons de vivre. Tout est approximatif, rien n'est maîtrisé, rien n'est réfléchi. Et c'est de ça que le groupe tire son incroyable énergie. Paradoxalement, c'est grâce à ça que sa musique se défait de tout risque de lasser son auditoire. Ne pensez plus à rien, lâchez-vous, laissez-vous emporter par ces mélodies et ces rythmes aussi évidents que ravageurs, chantez, hurlez, dansez. C'est ce que ne cesse de nous répéter l'équipe pendant tout ce disque. Elle s'est visiblement juré de n'épargner à aucun de ses auditeurs une mémorable banane jusqu'aux oreilles. Mission accomplie, haut la main.

mercredi 9 mars 2011

Ça me paraît un peu radical, comme décision !

Une sorte de "C'est arrivé près de chez vous" version light : moins belge, moins incorrect, moins subversif, moins violent. Ce sont surtout les aspects comiques qui partagent beaucoup de points communs : ils reposent quasi entièrement sur le charisme de l'acteur principal (ici, un François Damiens à l'abattage juste phénoménal) ; mais aussi et surtout, le rire n'est pas une finalité. Ça n'est d'ailleurs pas une surprise : dès les premières minutes, qui exposent un postulat de départ pour le moins... explosif, on comprend bien que ça va forcément partir en cacahuète à un moment ou à un autre. Et certes, on rit, mais jaune, avec toujours en arrière-pensée l'appréhension d'une résolution que l'on sent potentiellement dramatique. On sait bien que l'on va finir par presque regretter ces rires...

Finalement, c'est précisément au moment où se fait la bascule, où l'on sort de la comédie pure, qu'apparaissent les défaut les plus visibles du film. Malgré quelques scènes joliment tendues et angoissantes, certaines péripéties un peu précipitées et des personnages qui peinent à s'épaissir font que l'on a parfois comme un goût de pas assez qui nous arrive en bouche. Dans ces conditions, il est sans doute sage d'avoir opté pour un happy ending, forcément un peu grossier et abracadabrant, et pas très marquant, mais qui a le mérite de désamorcer un malaise qui aurait pu autrement paraître gratuit. Bref, il reste dans cette histoire du potentiel inexploité, mais le film a au moins le mérite de ne pas tomber dans les nombreux pièges que contenait son sujet. C'est déjà pas mal.

lundi 7 mars 2011

Parce que vous côtoyez un gamin qui est incurable, ça vous rend légitime, c'est ça ?

Le sujet est parfaitement évident. À telle point qu'on pourrait même le qualifier facile. Pourtant...

On aurait envie d'aimer ce film, mais les défauts sont juste trop nombreux et flagrants. Les acteurs sont à leur aise, et c'est évident que la réalisatrice compte entièrement sur eux pour nous faire croire à cette histoire. Elle n'aurait pas du : on est peiné de les voir constamment se battre contre des dialogues pas crédibles pour un sous et un montage horriblement maladroit, qui viennent constamment nous rappeler que tout ça, c'est du toc. Dans ces conditions, difficiles d'accorder au film la bienveillance dont on aurait voulu lui faire don. Dommage, c'est une vraie occasion manquée.

dimanche 6 mars 2011

C'est juste un pauvre gosse qui a pas eu beaucoup de chance.

On va pas se mentir : ce film-là, tout le monde l'a déjà vu trouze mille fois. Un accident banal, une réaction paniquée qui ne fait qu'aggraver la situation, et la lente descente aux enfers qui s'en suit. Ce qui sauve le film, c'est qu'il a parfaitement conscience de ce qu'il est. La présence au casting de Jean-Pierre Bacri (qui joue ici le très original rôle de... Jean-Pierre Bacri) en est d'ailleurs sans doute la plus flagrante preuve : il ne faut pas attendre cinq minutes pour le voir se mettre en colère et aligner les uns à la suite des autres ses tics les plus caricaturaux. Comme ça, c'est fait.

A son image, tous les acteurs du film sont au naturel. Ce n'est pas ici qu'on cherchera de grandes compositions de comédien. Mais la réussite est là : ce naturel crève l'écran, et c'est grâce à lui qu'on se laisse finalement volontiers emporter par ce thriller pauvre en suspens, mais riche en ambiances. On pourra toujours regretter quelques petites longueurs et des personnages un peu trop statiques... mais ce serait sans doute faire la fine bouche. Un petit film très sympathique.

samedi 5 mars 2011

We all complete.

Il y a pire qu'être condamné à mourir ; c'est être condamné à ne pas vivre.

On ne sait que dire pour parler d'un film comme celui-ci, dont toute la force se situe dans les non-dits. Devrait-on se risquer à révéler ce que le film lui-même ne révèle jamais ?

Ces personnages et cette histoire sont d'une beauté toute simple, d'autant plus chavirante qu'ils semblent vivre en nous, dans notre propre conscience. L'Angleterre du siècle dernier, contexte innatendu d'un scénario qui tend vers l'anticipation, confère au film un calme, une tranquilité étrangement apaisants. Dans ce théâtre, c'est sans un bruit que se déroule devant nos yeux une histoire d'amour dans la plus belle veine de ce que le cinéma peut nous offrir. C'est sans même un murmure qu'elle avance vers sa conclusion déchirante. Et l'on sort de la salle rempli d'un serein désespoir, dont on a bien du mal à se défaire.

vendredi 4 mars 2011

Never ask for what oughta be offered.

Le désert. Le vide. Même les animaux sauvages sont effrayés par leur solitude. Les rares âmes que l'on croise sont des fantômes. Insaisissables, parfois bienveillants, souvent terriblement maléfiques. Leur souffle glacial inonde les contrées du Missouri. Dans cette campagne lugubre, la survie n'est pas une préoccupation ; c'est une raison de vivre. Paradoxal, non ? Et pour survivre, justement, notre héroïne doit partir à la recherche d'une de ces âmes insaisissables, la plus fantomatique d'entre toutes...

La morale de l'histoire : on ne chasse pas les fantômes si on ne veut pas qu'ils nous hantent pour toujours. Un peu comme ce film risque de le faire.

jeudi 3 mars 2011

This is my freedom, this is my voice!


Erik Truffaz Quartet - Mechanic Cosmetic (album : In Between)



Quel genre de musique le Erik Truffaz Quartet pratique-t-il ? En voilà, une question à laquelle il n'est pas facile de répondre. Bien évidemment, l'essence, c'est le jazz. L'héritage, c'est celui de Miles Davis. Mais au-delà de ça, où les quatre compères nous emmènent-ils réellement ?

Dans ces conditions, il y a une réponse toute faite consacrée qui est ma foi bien pratique : en fait, c'est du jazz fusion ! Un fourre-tout commode et souvent un peu vide de sens ; mais pas ici. C'est là toute la force de cette musique : elle revient aux racines de la fusion, au sens premier du terme.

Chez la bande à Truffaz, il y a du rock, de la funk, du drum & bass, de l'ambient, même un peu de variét'. Mais tous ces genres de se côtoient pas. Ils fusionnent. Et l'on ne parle pas seulement de sonorités, ici : on parle d'esprit, de feeling. C'est un véritable méta-genre qui se crée en temps réel, au fur et à mesure que les musiciens progressent dans leur propre musique. Comment un tel monstre sonore peut-il tenir debout ? C'est un mystère qui reste encore à élucider.

Ce qui est sur, c'est qu'il ne faut pas deux minutes au quartet pour nous faire prisonnier, corps et âme, de son étrange univers. Les rythmiques tendues et saisissantes de Marc Erbetta, les lignes de basse magnétiques de Marcello Giulianni, les impros électriques et hallucinées de Benoît Corboz aux claviers, tout ça vous ensorcèle en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Le fil conducteur étant bien évidemment la trompette de Truffaz, dont la sophistication du son n'a jamais été aussi impressionnante. La noirceur et la complexité du dernier album de la formation ("In Between") fournit un squelette idéal pour des interprétations live résolument progressives (sur scène, chaque morceau dure un bon quart d'heure !) d'une intensité hallucinante. Pendant le rappel, la participation de la chanteuse Anna Aron (qui avait déjà assumé la première partie de la plus élégante des manières) fournit un complèment aérien à la furieuse densité de tout ce qui a précédé. Histoire de faire décoller pour de bons même les spectateurs les plus récalcitrants, ceux qui auraient réussi à garder les pieds sur terre jusque là.

Quand le concert s'achève, et que l'on retrouve petit à petit son esprit, on n'est pas tout à fait certain d'avoir compris ce qu'il vient de se passer. Ça n'a pas la moindre importance : on est juste heureux d'avoir pu arpenter, pendant deux précieuses heures, les jungles sonores luxuriantes de la planète Truffaz.


(Erik Truffaz Quartet, La Cigale, 2 mars 2011)

mardi 1 mars 2011

They told me you had true grit...

C'est étonnant de voir à quel point le western, bien qu'étant un genre appartenant au passé (au même titre que le peplum, le film noir...), a été maintenu en coma artificiel ces dernières années. Tant de films ont tenté de redonner sa gloire cinématographique au grand ouest américain du XIXe siècle. Tous plus insignifiants les uns que les autres. À deux notables exceptions près.


La première, c'était en 2007. Ça s'appelait "L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford". C'est devenu un de mes films fétiches de la décennie passée. Le film qui nous a fait comprendre que le western n'avait pas encore tout à fait dit son dernier mot. Avait-il ressuscité le genre pour autant ? Certainement pas. Ce qu'Andrew Dominik avait écrit dans la pellicule, c'était son requiem, sublime et poignant.

Et finalement, trois ans plus tard, ce sont les frères Coen qui entreprennent d'extirper pour de vrai le western de sa tombe. L'approche n'a rien à voir : ici, on ne cherche certainement pas la modernité. Pas même vraiment l'originalité. C'est une sorte de menu maxi best-of, avec tout ce qu'il faut de gueules crasseuses, de paysages arrides, de trains à vapeur, de chevaux, de vieux alcoolos bourrus. Ce qu'on cherche ici, c'est tout simplement le génie. Et on le trouve sans trop se forcer.

Louons la performance fabuleuse du principal trio d'acteurs, leur élégance, leur grandeur ! Louons la maîtrise ahurissante des Coen, dont le génie de la mise en scène n'est jamais aussi évident que quand il se fait aussi retenu ! Louons la capacité de tout ce petit monde à nous embarquer dans cette histoire aux enjeux simples, épiques et intimistes, bouleversants ! Tout embryon d'impression de déjà vue est instantanément dilué dans le pouvoir de fascination et la beauté ensorceleuse des images du film. À ce titre, existe-t-il des mots qui pourraient rendre justice au travail de Roger Deakins sur la photographie ? J'en doute.

Roger Deakins est d'ailleurs l'un des rares points communs entre Jesse James et True Grit. Pour le reste, quand l'un est un épilogue à l'histoire d'un genre qui a désormais fini de s'écrire, l'autre existe en s'affrichissant de son héritage, en s'envolant bien au-dessus de lui. On pourrait sans doute dire beaucoup sur la façon dont les deux films s'opposent. Mais en fin de compte, on retient surtout que malgré leurs différences, ces films parlent d'une voix commune quand ils nous affirment ceci : que le western en tant que genre soit mort ou non, l'ouest américain est un puit de richesse cinématographique que l'on a pas encore épuisé. Justement, j'entends dire que pourrait s'y dérouler le prochain film du plus célèbre brocanteur du septième art, Quentin Tarantino. Je suis curieux de voir ça, tiens.

It's showtime, folks!


Arcade Fire - Wake Up (album : Funeral)


On ne se refait pas, hein !

Ce n'est pas la première fois que je tente de me lancer dans la rédaction d'un blog. Les fois d'avant, je m'étais très vite confronté à une grosse flemme de rédiger de nouveaux articles (certains savent à quelle point j'aime faire les choses à moitié...). Parce que j'y mettais trop de zèle, sans doute.

Bref. Maintenant, c'est terminé. Sur ce blog, je saurai me contenter d'articles courts mais efficace, et je sais de quoi je veux parler exclusivement : de mes activités (sous-)culturelles. Autant dire que ça va beaucoup, beaucoup parler de cinéma... mais on essaiera aussi de parler un peu d'autre chose de temps en temps !


Allez, n'étirons inutilement cette introduction en longueur. Time to wake up...