samedi 30 avril 2011

And then what? I don't know... Something, though.

La pudeur érigée en principe de cinéma. Pas un concept forcément très original, mais il est là développé avec une intelligence et une sensibilité rare.

Pour nous relater ce qui est sans doute le drame le plus horrible qu’un être humain puisse vivre, John Cameron Mitchell s’épargne toute exposition, toute exhibition. Il s’efface littéralement, nous laissant seuls face à ses acteurs troublant de vérité, et laisse la douleur s’installer comme une évidence. C’est sans doute cela qui, au final, la rend acceptable. C’est grâce à cela que, malgré un message à peine supportable tant il déborde de malaise et de désespoir, le final merveilleusement ouvert du film réussit à nous laisser avec un léger sourire sur le visage, qui aide à se sentir le coeur un peu moins lourd. Du cinéma puissant et remuant.

Welcome back.

Les vingt dernières minutes de la honte.

C’était pas trop mal parti, pourtant. Pas de quoi se relever la nuit non plus, mais bon : le concept, bien que légèrement capillo-tracté, est plutôt intéressant, une sorte de huis-clos-mais-pas-trop joliment nerveux et perturbant. Et l’on est déjà près à excuser une morale typée post-9/11 que l’on devine particulièrement douteuse.

Puis viennent ces fameuses 20 dernières minutes. À ce moment, l’histoire est terminée, il n’y a plus rien à dire ; on sent comme un flottement dans la salle, une incompréhension généralisée face à un récit qui refuse de se conclure. Et là, ça part totalement en live. Un twist final inimaginable de ridicule vient torpiller toute la crédibilité de ce qui a précédé, et le film s’écroule comme une merde dans des considérations pseudo-métaphysiques de comptoir qui ne peuvent rien inspirer d’autre que la consternation la plus profonde (et il n’est pas difficile de percevoir que les acteurs eux-mêmes n’y croient pas une seule seconde).

Alors bon, avant cela, il y a quand même 1h10 plutôt plaisante à passer. Mais bon sang, tout de même, quelle frustration...

dimanche 24 avril 2011

We're, like, chained-by-destiny birds!

Quelle merveilleuse époque l'animation américaine est en train de vivre ! Près de quinze ans après l'avènement du roi Pixar, son héritage est enfin en train de se mettre en place. Revaloriser les auteurs, redonner aux films une personnalité qui soit celle de créateurs et non celle d'une entreprise : voilà ce qui semble être le nouveau mot d'ordre des studios. Grand bien leur en a pris : c'est de cette façon qu'en 2010, Disney (avec Glen Keane) et DreamWorks (avec Chris Sanders et Dean DeBlois) ont pu sortir deux films extraordinaire, d'une qualité que l'on n'aurait jamais osé espérer de la part de ces studios.

Et tout ça, chez la Fox, on l'a visiblement bien compris. Fini, les entreprises efficaces mais sans véritable âme (L'Âge de glace, Robots...) : il est temps de passer à la vitesse supérieure, de laisser un réalisateur faire un film avec ses tripes. Et les tripes du brésilien Carlos Saldanha, forcément, sont remplies de samba et des couleurs bigarrées du carnaval de Rio.

Tout est réunie pour que l'entreprise soit un succès total : une histoire vieille comme le monde et cousue de fil blanc, mais remise au goût du jour, et qu'on prend toujours plaisir à réentendre ; le rythme et l'énergie apportés par des personnages charismatiques ; et bien sur, la désarmante sincérité que nous garantit la démarche profondément personnelle de Saldanha. Et effectivement... il ne manque pas grand chose pour que le film soit vraiment convaincant.

En fait, ce qu'il manque à ce film, c'est tout simplement de la verve. Sur tous les thèmes qu'il aborde (le message écologique, la vie des favellas, l'extravagance de la population carioca...), on a l'impression que Saldanha est déjà à cours de choses à dire après seulement 30 secondes et deux ou trois répliques. La peur d'ennuyer ? Du coup, les situations s'enchaînent de façon mécanique et un peu artificielle, pas aidée par un casting vocal trop inégal : si l'ensemble des rôles animaliers sont plutôt bien desservies, les personnages humains sont en revanche étrangement désincarnés. Tout cela est par ailleurs ponctué par des numéros musicaux qui peinent à convaincre : introduits et justifiés de façon laborieuse, ils souffrent en outre d'une animation moyenne voire médiocre, statique et peu expressive (dans le genre "danse aviaire", on ne peut s'empêcher de faire la comparaison avec Happy Feet... et de constater qu'il y a quinze classes d'écart entre les deux films !).

Vu comme ça, on pourrait croire que je n'ai pas aimé le film. C'est se méprendre : je serais malhonnête de nier que, au final, le film fonctionne. Parce qu'il est drôle et chaleureux, parce que ses personnages sont éminemment sympathiques, et surtout, parce qu'il est plein de promesses : maladroit et peut-être pas assez ambitieux, mais certainement pas inconsistant, il réussit malgré tous ses nombreux défauts à se forger une réelle âme, et effleure même par instant une véritable élégance, capable de susciter l'émotion. En celà, il montre que les studios Blue Sky font désormais parti eux aussi de la shortlist des studios américains qui ont le potentiel de nous pondre des merveilles. Une shortlist qui, à ce jour, paraît moins "short" que jamais. Et ça fait méchamment plaisir.

mardi 12 avril 2011

Continue de chercher.

Le spectacle vivant filmé sans le moindre compromis, sans aucun sacrifice, dans toute sa sensualité et toute son intensité. Vous en rêviez, mais vous étiez convaincus que c'était tout simplement impossible ; pourtant, Win Wenders l'a fait. Et de quelle manière !

C'est évidemment la 3D qui rend ce miracle possible. Pour tous ceux qui restent à convaincre que non, définitivement non, la 3D n'est pas qu'un gadget de parc d'attraction : c'est ce film-là qui vous fera définitivement changer d'avis. Plus que tout aspect spectaculaire, bien plus que le simple "wow factor", c'est la qualité première de la captation stéréoscopique qui est ici poussée à son paroxysme : la présence des danseurs est tout bonnement confondante. On ne peut pas humainement renforcer au-delà de ce que fait ce film l'illusion que les protagonistes se trouvent physiquement devant nous. Grâce à une captation d'une simplicité et d'une sobriété absolues (une seule et même focale utilisée tout le long du film, des mouvements de caméra très lent), on est littéralement transporté sur scène, au milieu des danseurs. Vous ne vivrez ça nulle part ailleurs.

Pour le reste, je ne me risquerait certainement pas à essayer de commenter le contenu à proprement parler du film. L'oeuvre de Pina Bausch est ce qu'elle est, et elle se passera volontiers de mon avis, forcément ridicule, réducteur et insignifiant. Je me contenterai donc donner ce conseil : que vous aimiez la danse contemporaine ou non, que vous connaissiez Pina Bausch ou non, allez voir ce film à tout prix, et allez le voir en 3D. Ce qu'il a à vous offrir est bien trop précieux pour que vous puissiez vous permettre de le rater.

lundi 11 avril 2011

Oh, and one more thing...

Je pense que Zack Snyder s'est lancé le défi de réussir un jour à réaliser un film constitué à 100% de ralentis.

Ahhhhh, Zack Snyder. Rien qu'en pensant à ce nom, je suis submergé d'un sentiment situé quelque part entre et . Le bûcheron ultime. Le bulldozer infernal. L'anti-cinéaste de l'apocalypse.

Et là où ça devient fort, c'est que ce Sucker Punch, même ses précédents films ne nous y avaient pas préparés. Le pré-générique doit être une des séquences les plus surréalistes de toute l'histoire du cinéma. Ce que l'on voit, ce n'est rien d'autre qu'un début de conte à l'ancienne (deux soeurs qui se retrouvent orphelines et qui se font abuser par leur nouveau tuteur et tout et tout, ouahou, quelle originalité), mais filmé de façon encore plus foutraque et WTF-esque que les séquences les plus débiles de 300 ; et le tout avec en bande-son un remix pop-indus du "Sweet Dreams" d'Eurythmics qui s'applique soigneusement à laminer un par un les tympans de chacun des spectateurs. Comment voulez-vous survivre à ça ?

Une fois nos capacités intellectuelles anesthésiées par cette intro dévastatrice, il est temps de s'attaquer au vif du sujet, à savoir : des bonnasses qui font des pirouettes dans des univers numériques incompréhensibles avec plein de trucs qui explosent dedans. Pour justifier tout ça, un espèce de bordel mystico-onirique, une sorte d'Inception au bord de l'overdose au LSD, qui fait dans le genre totalement gratuit et qui ne prétend même pas une seule seconde être autre chose qu’un simple prétexte aux délires esthétiques de Snyder. La dramaturgie est digne d'un mauvais jeu vidéo, avec une progression aussi habile et inspirée que celle d'un Super Mario. Chaque épisode/niveau ne dure pas plus d'un quart d'heure : au-delà de ça, on risquerait de se lasser !

Avec la conviction d'un fou qui se frappe obstinément la tête contre un mur en béton armé, Snyder navigue à vue, mais pied au plancher, dans son univers totalement hors de contrôle. Refusant catégoriquement toute forme de constructivité, multipliant les références pop-culture, les appréciant et les valorisant d'autant plus qu'elles sont parfaitement saugrenues voire déplacées (la guerre des tranchées avec des zombies sapés comme les soldats de Jin-Roh et des Metal Gears arborant des peintures Hello Kitty, what else ?). La bande son est un concentré maxi best-of (ou worst-of, c'est selon) de tout ce que les 30 dernières années ont produit de plus dégénéré (avec Björk en tête de file). Preuve ultime de la volonté de Snyder de dézinguer toutes les règles établies du cinéma, le voilà qui s'amuse à générer chez le spectateur la frustration ultime : la seule chose qui semble fasciner les personnages du film, à savoir la danse de Babydoll, eh bien vous ne la verrez jamais. Tout le reste, toutes ses plus folles extravagances (mais qui ne semble pas émouvoir le moins du monde nos protagonistes), il vous les montre dans tous les détails, avec force ralentis et gros plans ; la danse de Babydoll, elle, restera à jamais cachée !

Sans surprise, c'est grâce à tout ce travail acharné de destruction que le film trouve son intérêt. Derrière l'hystérie apparente, il se rapproche d'une certaine épure : l'esthétisme à tout prix, le rejet en bloc de toute forme de création "intelligente", lui permet d'atteindre une densité graphique inouïe. C'est grâce à ça qu'il arrive à nous embarquer dans une histoire pourtant intolérablement grotesque. En ce sens, Sucker Punch est une ode à un cinéma instantané, hautement périssable, qui se vit intensément et se suicide dès que le générique de fin démarre. C'est d'ailleurs ce semble nous dire le merveilleux final en eau de boudin de ce film : "oubliez immédiatement tout ce que vous venez de voir". Pour cela, je trouve même que ce Sucker Punch pourrait être une excellente conclusion à la filmographie déjà mythique et tellement insensée de Zack Snyder. Mais quelque chose me dit que le bougre n'a pas envie de s'arrêter là...