dimanche 29 mai 2011

Cradled in eternity


Il y a des jours dans la vie où l’on se sent chanceux. Très chanceux. Par exemple, ce dimanche 22 mai 2011, lorsque nous fûmes quelques 240 privilégiés à pouvoir assister à un concert dédié à l’oeuvre de Masashi Hamauzu, organisé à la Cité Internationale des Arts de Paris par le tout jeune label Wayô Records.

Dans un cadre que l’on aurait difficilement pu imaginer plus chaleureux et convivial, fut donc célébrée la musique si douce et fascinante du compositeur de Final Fantasy X, Final Fantasy XIII, Unlimited SaGa, et encore bien d’autres jeux aux bandes sons grandioses. Pour la servir, il fut fait appel à de jeunes musiciens issus du Conservatoire national de Lyon. Chacun à sa manière, ils auront relevé haut la main le défi, faisant vivre les partitions qui leur furent confiées de la façon la plus renversante qui soit.

Vie et enthousiasme. Voilà qui résume à merveille l’esprit des interprétations auxquelles nous avons assistées cet après-midi. La pianiste Yuka Fujii, la plus présente sur scène, aura su déployer sans retenu ses sonorités légères et chaleureuses. Lors de ses reprises d’extraits des Piano Collections FF X et XIII, elle troque la sage et délicate précision des enregistrement d’Aki Kuroda, contre un jeu vif, rapide et enthousiaste, mais qui sait rester d’une superbe sensibilité. Chaque aspect de la musique se pare d’une désarmante spontanéité, qu’il s’agisse de la main gauche dansante de Besaid, des ostinatos virevoltants d’Assault, de l’insaisissable sensation de suspension de Reminiscence - Sulyya Springs, ou de la fragile mélancolie du thème de Lightning. On se retrouve prisonnier corps et âme de l’extraordinaire pouvoir hypnotique de ces musiques. Il en sera de même lorsque, plus tard dans le concert, elle s’attaquera aux trois morceaux pour piano solos préparés spécialement par Masashi Hamauzu pour ce concert à Paris.

Entre temps, la sensation d’hypnose ne faiblit pas lorsque Yuka est rejointe sur scène, pour quelques quatre-mains extraits de SaGa Frontier 2, par un Jean-Vianney Zenati au son plus sombre et distant. À eux deux, ils parviennent à créer des atmosphères denses et complexes. De la douce et épaisse brume de "γ" 1 à l'urgence guillerette de "γ+" 3, est déployée une étonnante gamme de sonorités aussi paradoxales que captivantes.

Cependant, le concert opère une véritable bascule lorsqu’est entamé Frenzy Under Pressure, un trio pour piano, violon et violoncelle lui aussi composé spécialement pour l’occasion. On oublie alors le Masashi Hamauzu de carte postal du début de concert, celui que tout le monde connaît. Cette partition d’une noirceur inattendue se révèle méandreuse, presque labyrinthique, à la fois éthérée et massive. Le violoncelle de Seok-Woo Yoon est pesant, tandis que le violon de Johan Veron survole de façon aussi majestueuse que menaçante les étranges courbes dessinées par le piano. On ressort sonné, mais aussi euphorique, de cet extraordinaire voyage dont on ne peut regretter que la courte durée !

Pour l'avant-dernier acte, le Yume Duo monte sur scène et interprète trois transcriptions pour piano et violon de son propre cru. L'essence des morceaux originaux est merveilleusement captée par les deux interprètes, dont les arrangements sont d'une élégance et d’une ampleur formidables, laissant même par instant quelques très subtiles touches typées impro jazz s'échapper du piano. En particulier, leur reprise de Besaid aura littéralement cloué à leur siège tous les spectateurs, restés bouche bée devant un jeu de dialogues virtuose, extraordinairement grisant.

C’est alors que vient l’apothéose : Hamauzu et la chanteuse Mina montent sur scène et nous offrent en exclusivité mondiale deux extraits d’Imeruat, leur projet de musique Aïnou. Que ce soit avec la douceur quasi mystique de Cirotto ou la frénésie hallucinée de la chanson titre Imeruat, Mina et Hamauzu n'auront eu aucun mal à mettre définitivement l'ensemble des auditeurs dans un état second, une extase indescriptible qui mettra du temps, beaucoup de temps à s'estomper.

Impossible de décrire ce qui passe dans la tête de tout un chacun à cet instant. Est-on simplement enivré par la beauté extraordinaire du spectacle musical auquel on vient d’assister ? Euphorisé par l’intense moment d’intimité que l’on vient de vivre avec un artiste adulé à travers le monde entier ? Galvanisé par la puissante et palpable communion avec des musiciens clairement aussi passionnés que nous par ces musiques ? Un peu de tout ça à la fois, bien évidemment. Et comme pour graver définitivement dans l’âme de chacun ce souvenir aussi rare que précieux, Hamauzu signe lui-même l’épilogue du concert en se lançant, seul au piano, dans un "β" 1:Botschaft lumineux, transpirant de ce sentiment qui semble avoir envahi la salle entière : le bonheur, tout simplement.

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