samedi 26 mars 2011

I'm going to slice your face off and use it to wipe my unmentionables!

C'en devient presque écœurant. Incompréhensible. Inimaginable. Comment est-ce possible ? Comment un homme, un extra-terrestre, ou même un cyborg, peut-il atteindre une telle maîtrise de son art, repousser toujours plus loin les limites de son talent ? Ne jamais s'arrêter, rester d'une constance affolante (pour ne pas dire inquiétante) dans le génie...

Roger Deakins. Je ne sais plus quoi faire, je ne sais plus que dire, pour tenter de décrire la somptuosité de son travail sans tomber dans le lourdingue et l'insignifiant. Film après film, Deakins n'en finit plus de construire son statut de légende vivante. Si aujourd'hui, on nomme souvent (et non sans raisons) Conrad Hall comme le plus grand directeur de la photographie de l'histoire du cinéma, il ne fait aucun doute que Deakins, au bout de son œuvre, aura fini par le rejoindre là-haut, tout là-haut, au firmament des magiciens de la lumière.

Les raisons de cette incontrôlable envolée lyrique dont vous venez d'être témoin ? Elles paraîtront évidente à quiconque ne regarderait que cinq minutes de ce Rango. Les ambiances créées par Deakins pour ce film sont tout bonnement ahurissantes de variété, de richesse, de beauté, de force. Le soleil de plomb sur un désert aride, l'obscurité étouffante d'un saloon crasseux, la douceur feutrée du bureau du maire, l'éclat fantomatique de la lune sur les dunes de Mojave... Il est à peine croyable que la lumière puisse atteindre une telle expressivité. Rien qu'en cela, le premier long-métrage animé d'Industrial Light & Magic se démarque.

Pour le reste ? Gore Verbinsky se contente de répéter la recette qui a fait le succès de ses Pirates des Caraïbes : assurer le minimum syndical du film popcorn de base, faire confiance aux gars de la technique pour le côté grand spectacle, et laisser un Johnny Depp en roue libre amuser la galerie.

C'est peu de dire que ce film-là est léger. Difficile d'imaginer une intrigue plus linéaire, prévisible et superficielle. La bonne nouvelle, c'est que le film est parfaitement conscient de ces défauts... et qu'ils s'en contrefout royalement. Ainsi, il n'a aucun scrupule à abandonner lâchement certains personnages après à peine quelques secondes à l'écran, juste le temps de nous faire goûter à un character design grandiose (l'anthropomorphisme réalisant ici d'authentiques miracles) et à un casting vocal absolument succulent. De même, aucune honte à enchaîner les références cinéphiles de façon totalement bordélique, sans le moindre soucis de cohérence ni de profondeur du propos. Malicieusement, la mise en scène n'hésite pas non plus à multiplier les gags à base de transgression du quatrième mur, jusqu'à en imbriquer plusieurs les uns dans les autres ("we need to go deeper", trolilol !!!) : vous savez pourquoi vous êtes venu voir ce film, et ce n'est pas pour vivre une histoire crédible et prenante.

Non non non, si vous êtes venus, c'est pour vous délecter du cabotinage d'un Johnny Depp en grande forme, et aussi pour en prendre plein les mirettes. A ce jeu-là, pour ceux qui doutaient que les gars d'ILM étaient bien les meilleurs infographistes du monde, l'affaire est désormais entendue : je ne crois pas prendre de risque en affirmant qu'il s'agit là du film d'animation le plus hallucinant qui soit d'un point de vue technique, toutes catégories confondues. Et si l'on ajoute à ça la prodigieuse direction artistique mentionnée plus haut, la conclusion devient évidente : dans le genre film à grand spectacle sans prétention sémantique, il paraît dur de faire plus réjouissant et excitant que Rango.

Aucun commentaire: