jeudi 3 mars 2011

This is my freedom, this is my voice!


Erik Truffaz Quartet - Mechanic Cosmetic (album : In Between)



Quel genre de musique le Erik Truffaz Quartet pratique-t-il ? En voilà, une question à laquelle il n'est pas facile de répondre. Bien évidemment, l'essence, c'est le jazz. L'héritage, c'est celui de Miles Davis. Mais au-delà de ça, où les quatre compères nous emmènent-ils réellement ?

Dans ces conditions, il y a une réponse toute faite consacrée qui est ma foi bien pratique : en fait, c'est du jazz fusion ! Un fourre-tout commode et souvent un peu vide de sens ; mais pas ici. C'est là toute la force de cette musique : elle revient aux racines de la fusion, au sens premier du terme.

Chez la bande à Truffaz, il y a du rock, de la funk, du drum & bass, de l'ambient, même un peu de variét'. Mais tous ces genres de se côtoient pas. Ils fusionnent. Et l'on ne parle pas seulement de sonorités, ici : on parle d'esprit, de feeling. C'est un véritable méta-genre qui se crée en temps réel, au fur et à mesure que les musiciens progressent dans leur propre musique. Comment un tel monstre sonore peut-il tenir debout ? C'est un mystère qui reste encore à élucider.

Ce qui est sur, c'est qu'il ne faut pas deux minutes au quartet pour nous faire prisonnier, corps et âme, de son étrange univers. Les rythmiques tendues et saisissantes de Marc Erbetta, les lignes de basse magnétiques de Marcello Giulianni, les impros électriques et hallucinées de Benoît Corboz aux claviers, tout ça vous ensorcèle en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Le fil conducteur étant bien évidemment la trompette de Truffaz, dont la sophistication du son n'a jamais été aussi impressionnante. La noirceur et la complexité du dernier album de la formation ("In Between") fournit un squelette idéal pour des interprétations live résolument progressives (sur scène, chaque morceau dure un bon quart d'heure !) d'une intensité hallucinante. Pendant le rappel, la participation de la chanteuse Anna Aron (qui avait déjà assumé la première partie de la plus élégante des manières) fournit un complèment aérien à la furieuse densité de tout ce qui a précédé. Histoire de faire décoller pour de bons même les spectateurs les plus récalcitrants, ceux qui auraient réussi à garder les pieds sur terre jusque là.

Quand le concert s'achève, et que l'on retrouve petit à petit son esprit, on n'est pas tout à fait certain d'avoir compris ce qu'il vient de se passer. Ça n'a pas la moindre importance : on est juste heureux d'avoir pu arpenter, pendant deux précieuses heures, les jungles sonores luxuriantes de la planète Truffaz.


(Erik Truffaz Quartet, La Cigale, 2 mars 2011)

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