Je pense que Zack Snyder s'est lancé le défi de réussir un jour à réaliser un film constitué à 100% de ralentis.
Ahhhhh, Zack Snyder. Rien qu'en pensant à ce nom, je suis submergé d'un sentiment situé quelque part entre

et

. Le bûcheron ultime. Le bulldozer infernal. L'anti-cinéaste de l'apocalypse.
Et là où ça devient fort, c'est que ce Sucker Punch, même ses précédents films ne nous y avaient pas préparés. Le pré-générique doit être une des séquences les plus surréalistes de toute l'histoire du cinéma. Ce que l'on voit, ce n'est rien d'autre qu'un début de conte à l'ancienne (deux soeurs qui se retrouvent orphelines et qui se font abuser par leur nouveau tuteur et tout et tout, ouahou, quelle originalité), mais filmé de façon encore plus foutraque et WTF-esque que les séquences les plus débiles de 300 ; et le tout avec en bande-son un remix pop-indus du "Sweet Dreams" d'Eurythmics qui s'applique soigneusement à laminer un par un les tympans de chacun des spectateurs. Comment voulez-vous survivre à ça ?
Une fois nos capacités intellectuelles anesthésiées par cette intro dévastatrice, il est temps de s'attaquer au vif du sujet, à savoir : des bonnasses qui font des pirouettes dans des univers numériques incompréhensibles avec plein de trucs qui explosent dedans. Pour justifier tout ça, un espèce de bordel mystico-onirique, une sorte d'Inception au bord de l'overdose au LSD, qui fait dans le genre totalement gratuit et qui ne prétend même pas une seule seconde être autre chose qu’un simple prétexte aux délires esthétiques de Snyder. La dramaturgie est digne d'un mauvais jeu vidéo, avec une progression aussi habile et inspirée que celle d'un Super Mario. Chaque épisode/niveau ne dure pas plus d'un quart d'heure : au-delà de ça, on risquerait de se lasser !
Avec la conviction d'un fou qui se frappe obstinément la tête contre un mur en béton armé, Snyder navigue à vue, mais pied au plancher, dans son univers totalement hors de contrôle. Refusant catégoriquement toute forme de constructivité, multipliant les références pop-culture, les appréciant et les valorisant d'autant plus qu'elles sont parfaitement saugrenues voire déplacées (la guerre des tranchées avec des zombies sapés comme les soldats de Jin-Roh et des Metal Gears arborant des peintures Hello Kitty, what else ?). La bande son est un concentré maxi best-of (ou worst-of, c'est selon) de tout ce que les 30 dernières années ont produit de plus dégénéré (avec Björk en tête de file). Preuve ultime de la volonté de Snyder de dézinguer toutes les règles établies du cinéma, le voilà qui s'amuse à générer chez le spectateur la frustration ultime : la seule chose qui semble fasciner les personnages du film, à savoir la danse de Babydoll, eh bien vous ne la verrez jamais. Tout le reste, toutes ses plus folles extravagances (mais qui ne semble pas émouvoir le moins du monde nos protagonistes), il vous les montre dans tous les détails, avec force ralentis et gros plans ; la danse de Babydoll, elle, restera à jamais cachée !
Sans surprise, c'est grâce à tout ce travail acharné de destruction que le film trouve son intérêt. Derrière l'hystérie apparente, il se rapproche d'une certaine épure : l'esthétisme à tout prix, le rejet en bloc de toute forme de création "intelligente", lui permet d'atteindre une densité graphique inouïe. C'est grâce à ça qu'il arrive à nous embarquer dans une histoire pourtant intolérablement grotesque. En ce sens, Sucker Punch est une ode à un cinéma instantané, hautement périssable, qui se vit intensément et se suicide dès que le générique de fin démarre. C'est d'ailleurs ce semble nous dire le merveilleux final en eau de boudin de ce film : "oubliez immédiatement tout ce que vous venez de voir". Pour cela, je trouve même que ce Sucker Punch pourrait être une excellente conclusion à la filmographie déjà mythique et tellement insensée de Zack Snyder. Mais quelque chose me dit que le bougre n'a pas envie de s'arrêter là...